Les oliviers

Au début, quand on était encore en pourparlers avec le couvent, on nous avait dit qu’il y avait 800 oliviers sur le site. Mais quand on a commencé, on a vite réalisé qu’il y en avait moins de la moitié, 362 très exactement, en comptant les morts et les blessés (c’est à dire ceux qui ont brulé lors de l’incendie de 2008 ou qui se sont pris un obus). En gros, 300 arbres productifs.
Groupés sur environ 60,000 mètres carres, ils sont d’âges et d’espèces différents. La majorité est très âgée, plus de 500 ans, peut être même 800 ou 1000 ans pour les plus vénérables. Les plus jeunes ont 75 ans… La majorité est de l’espèce Soury, ou Sourani, ou Balladeh, c'est-à-dire un des plus anciens cultivars, originaire de Sour. Une toute petite partie est de la variété Smoukmouki, une olive plus fine et pointue, dont l’huile est plus grasse et un peu comme du beurre en bouche.
Donc début Aout 2011 on commence à nettoyer entre les arbres, une petite angoisse au ventre quand même a cause de la rumeur de mines, en expliquant bien aux ouvriers de ne pas tirer sur des fils électriques si jamais ils en trouvent, et de ne pas toucher aux fragments d’obus qu’on commence à trouver un peu partout. Heureusement, tout ce qu’on trouve est déjà explosé. Le travail est très difficile, malgré les machines et le nombre d’hommes. De vrais arbres (chênes, pins, houx) poussent entre les oliviers, mais comme on ne veut en déraciner aucun, quelque soit la gêne qu’il occasionnera au moment de la cueillette, on les élague de leurs branches mortes, ne laissant que le tronc le plus fort. On nettoie autant que possible au sol, il y a tellement de ronces et de lianes, on dirait une forêt de conte, j’attends le dragon…


 
Ensuite on numérote les arbres, en considérant 5 zones : la zone A, celle par laquelle on a commencé, qui contient le plus d’arbres, 106. Ensuite la B, 102 arbres, les plus fatigués, ceux qui voyaient le moins la lumière du fait du nombre de lianes qui les étouffaient. La C, qui est la plus jeune, compte 60 arbres, plantés par Abou Assaad. La D, 73 arbres, est celle où il y a un peu de Smoukmouki, c’est la zone qui se porte le mieux. La E, 21 arbres, compte beaucoup d’oléastres, des oliviers sauvages qui donneront des olives à l’aspect et au gout différent. C’est aussi la zone qui a la moins grande densité, dans toutes les autres les arbres sont repartis de façon assez symétrique et systématique, là il y a de grandes étendues sans arbres, et la pente est plus forte. Les arbres les plus vieux sont dans les zones A et B. 
Les habitants de la région, très hostiles à notre projet au début (d’ailleurs quelque part ils le seront toujours), ont beaucoup fait pour nous décourager : d’abord leurs histoires de mines et d’obus, ensuite ils nous ont dit que les oliviers étaient beaucoup trop vieux pour porter encore des fruits, qu’on ferait mieux de les tailler drastiquement et de revenir dans 10 ans, que jamais on ne pourrait avoir d’eau (alors qu’il y a le fleuve à 100 mètres à vol d’oiseau), que les terres n’étaient pas fertiles, que ça allait nous couter les yeux de la tête de faire la récolte des olives, que d’ailleurs on ne trouverait jamais personne pour venir la faire, etc.
Le nettoyage sous les oliviers nous prend deux mois et demi, jusqu'à la récolte, mi octobre.







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