A Baanoub, il y a quatre ruines visibles (deux maisons
et deux bergeries) et une cinquième, enfouie sous le champ de summac, et qui
s’est avérée être la maison dans laquelle la famille de Abou Assaad a vécu jusqu'à
ce que le tremblement de 1956, qui a secoué si fort toute la région, l’ait détruite.
Excitation inqualifiable au moment de la découverte, fortuite bien sur, du bâtiment :
dans
le champ de summac, 6 personnes qui disparaissent dans une foret de bois mort
et de grappes oranges collantes. Vers 8h30, on réalise que les arbres poussent
sur une construction, dont des murs commencent à poindre. Epais, rectilignes, maçonnés.
Pas des murs de terrasses, des murs avec un dedans et un dehors, des pierres assemblées,
énormes, dont une taillée en coin et en biseau, dans ce qui ressemble à une avancée
/ tourelle. On trouve même trois voutes, qui vont sous la route : une pièce
à chaque fois, dont le mur du fond est taillé dans le roc. Ca a l’air gentiment
ancien tout ça… et vu la vue qu’on y a, gentiment stratégique aussi. On devine
plusieurs niveaux, des stayhat (terrasses autour des maisons de montagne), des marches. Pendant trois
heures, j’oublie les mines, les serpents, les araignées, et les scorpions, et
je saute d’un mur à l’autre comme l’Indiana Jones que j’ai toujours secrètement
voulu être.
Juste à coté de cette ruine,
une petite maison en béton, moderne et cubique, de 3 pièces pour humains et 2 pièces
pour animaux, établie en partie sur un réservoir d’eau en pierres, à laquelle il manque portes et fenêtres. Construite
en 56, c’est cette maison qu’Emm Assaad quitte en 76. A cause de ce que les gens nous ont dit des
mines, et avec le peu de logique militaire qu’on possède passivement quand on
est libanais, on a soigneusement évité d’y entrer pendant les deux premiers
mois. Et puis un jour le gestionnaire des biens du couvent, Père Salem, nous
raconte posément, en sandales dans un champ de ronces qui lui montent à la taille, qu’il est lui-même entré dans
toutes les maisons, et qu’il n’y a rien, à part un grand serpent noir. Assez vite après, nos ouvriers s’y installent,
et jusqu'à la fin du projet je serai jalouse de ces moments qu’ils y auront
passés seuls. Il y a toujours du vent dans cette maison, et elle a un point de
vue fantastique sur la vallée, les oliviers, la forteresse de Belhacem et le
haut de la colline. Quand on y est entrés, elle était vide bien sur, jonchée de
détritus divers, avec quelques graffitis au mur. Des trous aux plafonds et aux
murs. Dans les pièces pour les animaux, à part des mangeoires en béton, on a trouvé des portes en bois ainsi que de drôles
de paniers d’osier couvert de chaux, en fait des ruches traditionnelles. Le réservoir
d’eau a juste besoin d’être nettoyé pour resservir.
Photo May A. |
La deuxième maison, un peu plus bas, est aussi plus petite : trois pièces
au total, et une quatrième sans toit. Ici aussi plus de fenêtre ni de portes, et
le grenadier qui pousse dans la pièce
sans toit lui donnera son nom. Les murs sont en pierres, les piliers et le
plafond en béton. Le sol sonne creux par endroits, évidemment ca nous intrigue.
On saura plus tard par Georges, le fils de Emm Assaad, que sous cette maison se
trouve une maison plus ancienne, deux étages reliés par un escalier intérieur, détruite
puis remblayée en 56. Quand on y entre, elle est pleine de fumier, de terre, de
poubelle et de charbon, les murs sont couverts des graffitis laissés par l’ennui
des charbonniers et des chevriers, et les chauves souris se disputent avec de
gros caméléons les trous du plafond. En déblayant, on se surprend à regarder
les dates de péremption des boites de conserve qu’on ne manque pas de trouver,
pour savoir si réellement des gens y sont entrés après la guerre. Chemin faisant
on trouve un tas d’autres choses passionnantes qu’on met de coté pour le musée
des objets trouvés à Baanoub.
Photo May A. |
Juste à coté, au niveau auquel devait se trouver la maison d’origine, un
puits et une bergerie. Le puits est profond, à l’ombre d’un figuier. La bergerie est grande, de dehors
c’est un rectangle tout ce qu’il y a de plus traditionnel, de dedans une longue
voute avec deux fenêtres sur le même coté, un linteau d’un bon mètre au dessus
de la porte, et des rochers qui affleurent en plein milieu.
Enfin, entre les deux maisons, deux bergeries
consistant en deux longues voutes, qui communiquent par une ouverture latérale,
en mauvais état (entrée partiellement écroulée). Pas de fenêtres, ni
d’ouvertures de respiration. Deux ou trois autres voutes complètement et
anciennement écroulées à gauche. La dernière
à droite nettement moins soignée que celle de gauche, elle-même d’une autre époque
que les écroulées.
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